Mission impossible……..

Combien de fois ai-je été confronté au dépit de mes clients:

-« pourquoi est-ce si long pour obtenir un rendez-vous? »

– « Mon auto n’est pas encore prête? »

– « Mais que fait votre sous-traitant, il se dore la pilule aux Bahamas? »

Sur le papier, mon activité semble simple, il ne s’agit pas d’envoyer une fusée sur Mars, il s’agit de faire rouler de « vieilles autos »!

Cependant, l’affaire mérite que l’on s’y attarde…….. non pas que je sois à la recherche d’excuses mais plutôt pour vous faire comprendre mon activité et ses travers.

Je vais donc essayer d’autopsier la bête!

1)L’homme, l’humain, celui qui serre les boulons et celui qui signe le chèque.

1.1) Celui qui signe le chèque

Celui sans qui je pointerai au chômage! Celui qui souhaite assouvir une passion et est prêt à lâcher quelques picaillons pour sa « danseuse ». Pour cette dernière il envisage le meilleur, l’à peu près n’est pas de mise! Pour ma part, j’y trouve mon compte, essayer de faire un « strike » est bien plus drôle que de mettre un emplâtre sur une jambe de bois! Mais, il y a un mais: trouver des collaborateurs pour répondre à cette demande!

1.2) Celui qui serre les boulons

Espèce rare, en voie de disparition…..trouver un professionnel qualifié digne de ce nom consiste à trouver une aiguille dans une meule de foin! la tendance générale étant, en France, d’envoyer les derniers de la classe dans nos filières, il ne faut pas s’attendre à des miracles! Vous vous souvenez d’eux lorsque vous étiez au collège? Vous vous rappelez de leurs pédigrées?  Et bien, ceux sont eux qui réparent vos voitures! Bien évidement, il s’agit d’une tendance, il y a des exceptions!

D’autre part, une auto vieille de vingt ans au moins, n’est pas forcément au goût du jour, elle ne suscite pas un intérêt particulier chez une personne née dans les années 90.  De plus, il faut bien souvent mesurer, ajuster, régler alors que la formation est plutôt dans la tendance: « plugger »,  diagnostiquer et changer des pièces! Pour résumer « Ta caisse, je la kiffe pas et tu m’embrouilles la « teté » avec tes réglages!

Et je m’abstiendrai de m’attarder sur le goût, peu prononcé, de mes congénères pour le travail…..

2)Les autos, les pièces, les boulons et les rondelles.

Je fais de la gériatrie! Oui, oui je fais de la gériatrie! Avec toutes les complications que cela implique! la polypathologie est mon credo! La pratique de cette spécialité est, à elle seule, source de dérapage en tous genres: une petite intervention de trois heures, tout au plus, se transforme en un chantier de quatre jours………….. adieu le beau planning bien calibré, bonjour la plongée en apnée! Si par malheur, plusieurs gros dérapage s’enchaînent, l’apnée continue sans espoir de reprendre sa respiration avant longtemps……………….. pour la petite histoire, j’ai même formé Jacques Mayol à cette discipline tellement je la maitrise! Le grand bleu, c’est moi!

A force de tripoter des vieilles, j’ai développé une autre activité: faire les fonds de tiroirs et essayer de trouver le morceau recherché! Les pièces manquent et même de plus en plus! Les délais de fabrication sont élastiques (mon dernier souvenir est de quatre mois d’attente pour une cylindrée de 3.0SC) et rendent les plannings eux aussi élastiques!

La pêche à la pièce d’occasion est risquée: trouver des pièces est difficile, les trouver « propres » est encore plus difficile, les trouver « bonnes à l’usage » est du domaine du vœu pieu!

De ce fait, j’ai…. nous avons développé des procédés pour rénover des morceaux  fatigués, pour redonner vie à des organes laissés pour mort; dans certains cas, il faut fabriquer de A à Z l’organe en question………. mais cela est l’objet du chapitre suivant!

3)Les sous-traitant, petites mains de l’arrière cour.

Un costume queue de pie, un pupitre et une petite baguette blanche: me voilà chef d’orchestre! Et je peux vous dire qu’un chef d’orchestre qui fait de l’apnée en réparant des voitures et bien ce n’est pas courant!

J’ai le bonheur d’essayer de faire « jouer » ensemble vingt-trois « instruments » différents! Vingt-trois sous-traitant que je sollicite pour créer/transformer/modifier des organes nécessaires à la « survie » de votre auto. Dans certains cas, je l’admets, c’est de l’ordre de « au clair de la lune » au pipo……………………….. mais dans d’autre cas, c’est de la haute voltige avec des opérations imbriquées les unes dans les autres: A réalise un usinage, B fait un traitement de surface puis C réalise une opération de finition; une nouvelle fois les délais de chaque partie sont variables et les aléas techniques existent! Cependant, je dois tous les remercier d’accepter ces « missions impossibles » qui permettent de faire rouler nos autos préférées! Par chance, la vallée de la Seine est encore riche « industriellement » parlant; les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique y sont bien implantés ainsi que les « petits » sous-traitants qui vont avec…………… à ceci près que peu sont « ok » pour travailler avec un hurluberlu de mon espèce qui arrive avec des pièces coûteuses , voire irremplaçables sous le bras!

4) Conclusions

Il semble clair que cette activité ne colle pas du tout avec l’image d’Epinal du garagiste…. même « spécialisé »: il faut pousser un peu les murs, franchir des portes et utiliser autre chose qu’une caisse à outil standard.

Une voiture ancienne est le meilleur moyen de désorganiser l’atelier le mieux géré de la terre: on oublie les beaux plannings! On connait l’instant où le chantier commence mais il souvent difficile de prédire l’instant du clap de fin!

Ceci explique cela: beaucoup de mes confrères rechignent à toucher des anciennes et j’avoue les comprendre.

Peut-être, maintenant,  savez vous pourquoi  je réponds « je vais aussi mal que d’habitude » à l’inévitable question: « bonjour, comment allez-vous? »!