C’est Français, oui monsieur!

J’ai reçu récemment la visite de CDP et, au cours de notre conversation, la discussion s’est attardée sur les carburateurs et sur le devenir des technologies oubliées…. Et par extension sur la survie et l’avenir de nos vieilleries !

Force est de constater que l’histoire des carburateurs à été marquée par deux géants Français Solex et Zénith. Voici, dans un premier temps, un rapide résumé de leurs histoires. Puis dans un second temps quelques notions sur le paramétrage des carburateurs.

 

Solex

En 1905, Maurice Goudard et Marcel Mennesson créent une entreprise de construction mécanique nommée « Goudard & Mennesson ». Nos deux associés produisent des radiateurs destinés au refroidissement des moteurs, puis se dirigent rapidement vers la fabrication de carburateurs. Le succès vient assez rapidement cependant  ils considèrent le nom de leur entreprise un peu trop long et pense qu’il peut être un handicap commercial. Maurice Goudard a alors l’idée d’organiser, dans le cadre familial, une sorte de concours, pour trouver un nouveau nom à leur compagnie. Il impose  les conditions suivantes : le nom doit avoir au maximum deux syllabes et cinq lettres,  il ne doit pas être déjà déposé, ne doit avoir aucune signification et surtout doit se prononcer d’une manière identique dans les principales langues occidentales ! Ainsi est née la marque Solex !

 

Entre les deux guerres mondiales, Solex devient une importante société avec des usines dans des pays étrangers : Allemagne, Royaume Uni, Italie et Japon. A l’issue de la seconde guerre mondiale, les affaires sont toujours florissantes : en 1950 est fabriqué le dix millionième carburateur ; vingt ans plus tard le compteur s’est incrémenté de trente millions d’unités…. Soit une cadence d’un million cinq cents mille carburateurs par an ! Les années soixante-dix marquent le déclin de l’empire : l’entreprise est cédée à Matra qui rapidement la concède au groupe Magneti-Marelli. A ce jour, la marque Solex est toujours la propriété de Magneti-Marelli !

Zénith

En 1903, François Baverey, fils d’un riche industriel Lyonnais achète une automobile ; il n’est pas satisfait du comportement de son moteur : il pense que le carburateur, équipé d’un seul gicleur, ne fonctionne pas correctement sur toute la plage de régime. Dès 1905, François Baverey, travaille sur la création d’un carburateur équipé de deux gicleurs. Le second gicleur, appelé « compensateur » assure la constance du mélange quelque soit le régime moteur. Un brevet est déposé le 30 Juin 1906 !

Cette invention attire l’attention d’Edouard Rochet, directeur de la société des automobiles Rochet-Schneider. Durant l’été 1906, M. Rochet offre à M. Baverey l’usage des ateliers et laboratoires de la marque pour continuer ses travaux sur les carburateurs. En Septembre de la même année, les deux hommes signent un contrat de coopération ; trois ans plus tard, la marque Zénith est fondée. Le succès est immédiat et, en moins de dix ans, des filiales sont crées à travers le monde : Berlin, Detroit, Londres et Turin.

En 1934, le secteur de l’automobile est en crise et les ventes sont en baisse ! En parallèle, les études et développements des nouveaux carburateurs sont de plus en plus couteux ! Zénith et le géant américain « Bendix Aviation Corporation » décident de partager leurs savoirs ; réduisant ainsi les coûts de recherches et de développements.

Cependant les gains réalisés grâce à cette association ne sont pas suffisants ! Après la seconde guerre mondiale, les constructeurs automobiles souhaitent encore plus de performances, des consommations maitrisées et plus de fiabilité : zénith doit encore développer et améliorer ses carburateurs.

A la fin des années soixante, la société Zénith est absorbée par le géant Allemand Pierburg.

 

Les carburateurs des Porsche 356

Solex, Zénith, Pierburg, trois noms, une seule entreprise en Allemagne : Deutsche Vergaser Gesellschaft (DVG).

DVG, entreprise fondée par Bernhard Pierburg, a acheté les licences Solex et Zénith pour produire des carburateurs destinés à l’industrie automobile Allemande. Après la seconde guerre mondiale, l’entreprise est moribonde et l’aide reçue par les deux géants Français permet à DVG d’échapper à une mort certaine. Comme vous le savez, ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort…… et année après année DVG retrouve de sa splendeur (grâce à la puissance de l’industrie automobile Allemande) jusqu’au point d’absorber Zénith !

Sur les carburateurs Zénith 32 NDIX, vous pouvez lire « DVG – Made in Germany », sur les Solex 40PII, vous pouvez lire « made in W. Germany ». Mais dans les deux cas, ils sont réalisés par DVG, dans les usines de Neuss ou de Berlin. Les pièces de fonderie sont, elles, réalisées par un sous-traitant : Rokal dont l’activité principale est la fabrication de trains électrique miniatures (je vous parle d’un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaitre….).

rokal

 

Les carburateurs, les gicleurs et leurs utilisations

Préambule :

Ce que je sais, ce que je possède, je le dois à mon ami Bernard. Il était l’un des membres de l’équipe de recherches et de développements chez Zénith. Il a partagé son temps entre Levallois-Perret  au siège de la société, à Troyes où se trouvait  la STAM (un satellite de Zénith), à Montlhéry où se trouvaient les laboratoires d’essai de la marque, à Kiruna près du cercle polaire (pour les tests en conditions extrêmes) et à d’autres places comme le Mont Ventoux.

Maintenant revenons aux débuts de la société Solex ! Rapidement, les têtes pensantes de l’entreprise s’aperçoivent de la difficulté de réaliser des carburateurs avec des performances constantes, même avec d’excellentes machines et des ouvriers hautement qualifiés ! Le problème principal est L’inconstance de débit des gicleurs ! S’acharner à réduire les tolérances et les opérations de contrôle est vain ! Marcel Mennesson va donc concevoir un appareil, appelé Micro-Solex, pour mesurer les débits des gicleurs. Cet appareil va permettre à l’entreprise de devancer ses concurrents, Solex devient synonyme de qualité ! Sa conception est assez compliquée mais son usage est simple : insérer un gicleur dans l’appareil (photo 1) et lire son débit sur la colonne graduée (photo2) !

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Après la création de ce dispositif, la fabrication est divisée en deux étapes. La première consiste à fabriquer, sur une machine, le gicleur en respectant un plan. La seconde étape est, elle, entièrement réalisée à la main ; chaque gicleur est testé et ajusté jusqu’à l’obtention du résultat prévu. L’opérateur dispose d’un coffret d’alésoirs, disponibles centième de millimètre par centième de millimètre (photo 3). L’ajustement terminé, l’opérateur inscrit la taille sur le gicleur.

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Il y a presque un siècle, Marcel Mennesson comprenait que mesurer le débit d’un gicleur était la seule solution pour fabriquer correctement un gicleur! Et il a eu raison, son dispositif a été vendu à Zénith et d’autres fabricants de carburateurs !

Le débit d’un gicleur dépend du diamètre du calibrage, du profil de l’entrée et de la sortie du calibrage mais aussi de la rugosité de l’usinage !

Encore plus surprenant, les référentiels peuvent varier d’un fabricant à l’autre ! Un gicleur de 130 chez Zénith n’a pas le même débit qu’un gicleur de 130 provenant de chez Solex ! J’en ai fait l’expérience en comparant les débits des gicleurs « étalon » Zénith et Solex (photos gicleurs étalon) ! Mon ami Bernard me l’a confirmé : « notre seul objectif  était d’assurer une constance dans toutes les usines du groupe….. pas de concevoir un gicleur universel multimarque ! »

Aujourd’hui, soyez excessivement prudents avec les gicleurs de fabrication récente, leurs débits sont très disparates ! J’en ai fait plusieurs fois la démonstration et pas pour des différences minimes ! J’ai déjà rencontré des écarts de 10 à 15 points ; c’est-à-dire qu’un gicleur de « 130 » peut avoir en réalité un débit comparable à un gicleur de 145 (trop riche…pas trop grave) ou bien à un gicleur de 115 (trop pauvre….peut-être mortel) !

Une nouvelle fois, la disparition de certaines technologies (les carburateurs en l’occurrence) s’accompagne de la disparition du savoir faire et de l’outillage qui va avec !